L’allaitement des premiers jours : une fenêtre d’opportunité à saisir

Carole Hervé, Consultante en lactation

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L’allaitement des premiers jours : une fenêtre d’opportunité à saisir

Les premières heures et les premiers jours qui suivent la naissance constituent une véritable « fenêtre d’opportunité » pour l’allaitement. Cette période est marquée par un climat hormonal favorable, facilitant la mise en place de la lactation. Pourtant, nombre de mères se heurtent à un manque d’accompagnement adapté au sein des structures hospitalières.

Un manque de soutien au départ

Les professionnels de santé, bien que soucieux du bien-être du nourrisson, n’ont pas toujours une approche suffisamment proactive vis-à-vis de l’allaitement. Trop souvent, en cas de difficultés, la réponse apportée se résume à la prescription d’une préparation pour nourrissons, sans véritable recherche de solution pour soutenir la lactation maternelle.

De plus, les discours des soignants peuvent manquer d’homogénéité, semant la confusion chez les jeunes mères. La pression économique, qui a souvent pour conséquence des sorties de maternité précoces, ne fait qu’accentuer ces difficultés. En France, la culture dominante tend à banaliser le recours aux biberons, reléguant l’allaitement à un choix personnel plutôt qu’à une norme soutenue activement par le système de soins.

Rechercher et trouver de l’aide demande de déployer une énergie supplémentaire

Celles qui souhaitent allaiter doivent alors souvent déployer une énergie considérable pour trouver un accompagnement spécialisé. Il leur faut identifier une personne compétente, prendre rendez-vous, comprendre les options qui s’offrent à elles et s’organiser en conséquence. Une charge mentale immense lorsqu’on vient d’accoucher.Or, il existe des bonnes pratiques validées scientifiquement, notamment celles du Dr Jane Morton (Stanford University). Son approche repose sur trois étapes clés : Attachment (mise au sein) – Breastmilk (une production de lait adéquate et qui augmente de jour en jour) – Calories (le nouveau-né reçoit des calories) (A-B-C).

Ce qui revient à une mise au sein précoce, laquelle, associée à des tétées efficaces permet une prise de poids satisfaisante du bébé.Cependant, dans certains cas de figure, dans l’optique de protéger l’allaitement, il conviendra de commencer à offrir des calories au nourrisson de quelque origine que ce soit et à l’évidence en privilégiant le lait maternel, un prélèvement manuel de colostrum pour les bébés ayant du mal à téter, puis des stratégies pour stimuler la lactation. La progression suit alors un schéma inversé : Calories – Breastmilk – Attachment (C-B-A), le temps que le nourrisson devienne pleinement compétent.

De la patience et un accompagnement digne de ce nom

Certains nourrissons ont besoin de plus de temps pour apprendre à téter efficacement. Plusieurs consultations avec une consultante en lactation IBCLC peuvent être nécessaires pour surmonter ces difficultés. Certains préfèrent s’en passer en raison du coût de ces consultations. L’expérience a montré que prendre du recul sur une situation fragile peut permettre de la débloquer rapidement et l’investissement en temps, en énergie et en argent devient alors relativement négligeable au regard des résultats obtenus et notamment du plaisir et de la fierté d’allaiter son bébé, sans oublier les bénéfices sur sa santé et la santé du porte-monnaie familial à moyen et long terme. On estime à ce propos que le coût du non allaitement oscille entre 600 et 1000 euros pour les 6 premiers mois de vie du nourrisson.

Une lactation solide est un indissociable d’un allaitement qui marche

Revenons à la logique du ABC simplifiée et schématisée par le Dr Jane Morton.

Les nourrissons ont un sixième sens : ils veulent que le lait arrive facilement lorsqu’ils sont au sein. Une différence, même minime, entre leur besoin et l’apport en lait peut entraîner des difficultés, le refus de téter et de grandes frustrations pour les mères.

Dans certaines cultures, la jeune accouchée est particulièrement choyée : on la nourrit, on s’occupe de sa maison, de ses aînés, et on lui épargne les tâches domestiques pendant au moins 40 jours, le temps que son allaitement s’installe solidement. Une approche qui contraste fortement avec les attentes sociétales occidentales où les mères sont souvent livrées à elles-mêmes.
Parce que la réalité est que pour allaiter, il faut du lait. Aussi évidente que soit cette affirmation, peu de gens comprennent ce que cela implique exactement.

Dans un contexte solide, la sécrétion lactée d’une mère va suivre un schéma de progression qui l’amène à produire environ 25-50 mL de colostrum le jour de la naissance de son bébé et environ 800 mL de lait par 24h lorsque celui-ci aura atteint la fin de sa deuxième semaine de vie, ou même quelque peu avant.
Et il est pour le moins spectaculaire de constater que cette quantité se maintient jusqu’aux 6 mois de l’enfant ou tant qu’il est allaité exclusivement.

Prendre en compte la vulnérabilité d’une jeune maman

De nombreux mots, parfois anodins, entendus dans l’entourage proche peuvent être blessants. Peu de personnes mesurent à quel point une jeune mère est fragilisée par son postpartum, et trop souvent, elle se voit encouragée à abandonner son projet d’allaitement. Or, l’allaitement compliqué n’est pas toujours la cause, mais parfois le révélateur d’une fragilité maternelle sous-jacente.

C’est pourquoi, dans certains cas, il est bon, en tant que mère, de remplir un auto-questionnaire évaluant l’état émotionnel, comme l’échelle d’Édimbourg. [https://www.maman-blues.fr/1000-jours-epds-widget/]

Il révèle parfois une dépression post-partum plus ou moins marquée, où les difficultés d’allaitement ne sont que le symptôme d’un mal-être plus profond.

Identifier les causes réelles des difficultés

Bien que certaines difficultés physiologiques maternelles existent (insuffisance de tissu glandulaire, syndrome des ovaires polykystiques, diabète insulino-dépendant, chirurgie mammaire, dérèglement thyroïdien), elles restent rares. La plupart du temps, c’est l’inefficacité du bébé à téter en lien avec une lactation médiocre qui constituent les principaux obstacles. Un faible tonus ou une difficulté à prélever le lait peut entraîner une lactation insuffisante si la stimulation précoce et fréquente n’est pas suffisante.

Conclusion

Les premiers jours sont déterminants pour l’allaitement. Un accompagnement adapté, une prise en charge précoce et une compréhension des mécanismes en jeu permettent d’optimiser les chances de succès. Malheureusement, les jeunes mères doivent souvent se battre pour obtenir ce soutien. En reconnaissant les difficultés et en les anticipant, il est possible d’améliorer cette expérience et de permettre à plus de femmes de mener à bien leur projet d’allaitement, dans la sérénité et la confiance. Nous sommes là pour vous aider. Ne restez pas seule, faites appel à une IBCLC.