Le deuil périnatal
Nous sommes en 2014, j’ai alors 22 ans. Je viens de me séparer de mon petit ami de l’époque et je ne suis pas au top de ma forme. J’ai également des soucis au travail: Je me fais harcelée par une de mes collègues et je le vis vraiment très mal. Je suis sous traitement médicamenteux pour un ulcère à l’estomac. Je suis une femme toute en forme et avec une poitrine généreuse à l’époque. Je ne m’inquiète donc pas de voir changer mon corps…J’ai des nausées sûrement dûes à mon état psychologique et certainement aussi au médicament que je prends. J’ai mal aux seins mais là encore c’est habituel chez moi donc je ne soupçonne pas du tout une potentielle grossesse.
Les semaines passent et je dois faire des examens médicaux liés à mon ulcère. Je vais faire une prise de sang et me rend quelques jours plus tard à l’hôpital pour une coloscopie. Le jour J on m’annonce que l’examen ne pourra pas être effectué car on a décelé à la lecture de mes résultats sérologiques que mon taux de beta HCG est élevé et donc que je suis enceinte de bientôt trois mois…
Je tombe à la renverse…
Comment ? Comment alors que je prends la pillule et que la dernière fois que j’ai eu des rapports sexuels c’était avec mon ex…? On m’envoie en gynécologie et me fait une échographie. Tout s’accélère dans ma tête, dans mon cœur… On me le montre, il est bien là. Son cœur bat, et vite! Je ne comprends pas ce qui m’arrive, tant de sentiments contradictoires me traversent…
”Alors madame, c’est vôtre premier ?”
Hein?! Je ne sais même pas quoi répondre, je suis sonnée.
”Ou..oui” j’ai finalement répondu.” Il va falloir commencer les acides folliques”
Les quoi?!
Je rentre chez moi, déboussolée, j’appelle mon ex pour lui faire part de la nouvelle.Dans un premier temps, il me dit que si c’est une tentative désespérée de le faire revenir c’est navrant. Puis très vite il comprend que je ne plaisante pas. Évidemment, il ne veut pas de cet enfant: ”si tu gardes ce bébé, tu le feras sans père ! T’en as pas eu, regarde ce que tu es devenue”…
Alors j’ai décidé de l’avoir seule ce bébé…
Je vais consulter un gynécologue, je fais tout ce qu’il faut pour me préparer aux démarches administratives liées à ma grossesse. Je commence à acheter des vêtements tout petits petits… Je réfléchis à un prénom et surtout j’envisage une vie de maman célibataire ! C’est bientôt la date de l’échographie du troisième trimestre. Je vais connaître le sexe de bébé ! Je vais voir mon généraliste pour le suivi de mon ulcère à l’estomac, il est inquiet, le médicament qui m’a été prescrit depuis plusieurs mois est vraiment contre indiqué dans le cadre d’une grossesse… Il m’envoie faire une écho en urgence alors que j’avais rdv trois jours plus tard initialement. L’après midi même je me rend à l’hôpital pour cette échographie, et à partir de là, les choses se sont accélérées.
La sage femme est très gentille, elle me parle avec bienveillance. Puis elle m’annonce que le médicament que je prends depuis plus de six mois est très dangereux pour mon bébé, qu’il peut provoquer des fausses couches spontanée… Je ne le savais pas. Je culpabilise, personne ne m’a rien dit, j’ai appris ma grossesse tard et je n’avais pas connaissance de l’impact négatif de ce traitement. ”Alors il suffit que je l’arrête non?” ”Eh bien, c’est un peu plus compliqué que cela, en vérité rien ne peut nous assurer que des effets secondaires puissent apparaître même si vous arrêtez aujourd’hui madame…”La claque, je n’arrive pas à retenir mes larmes… Elles coulent toutes seules… J’ai la gorge serrée. “Et… et maintenant ?” “Nous allons rester vigilants et surveiller tout ça de très près pendant une quinzaine de jours et ensuite nous verrons bien… si le bébé s’accroche jusque là… Je suis vraiment désolée.”
Je rentre chez moi. J’ai le cœur déchiré. J’appelle mon ex. Je lui explique la situation avec ce petit nous dont il ne veut pas. Je pleure, beaucoup. Il décide de venir me voir. Nous parlons toute la nuit. Le lendemain il revient, et le surlendemain. Finalement, si on se redonnait une chance? Le compte à rebours a commencé. 15 jours à attendre avant d’être fixés !
Les jours passent, mon ex et moi on reprend notre vie d’avant. On envisage même de devenir parents… ensemble.
Arrivés au quinzième jour de cette longue attente, je retourne faire une écho. Je décide de ne pas connaître le sexe de bébé. On l’examine. Tout va bien. Rien à signaler.
La pression retombe. Je suis heureuse. Je peux enfin choisir d’imaginer l’avenir. Un avenir radieux avec conjoint et enfant. On va fêter ça au restaurant. La nuit est douce et tendre.
Le lendemain matin, je vais aux toilettes, et je sens que je suis un peu humide. Je ne regarde pas tout de suite, je pense d’abord à des pertes blanches… Et là je constate que je saigne. Il y en a beaucoup… Je réveil le papa, je ne prends pas le temps de m’habiller, je reste en pyjama, et on part direction l’hôpital.
Arrivés à 9h sur place on nous dirige vers les urgences gynécologique.
C’est un cauchemar, j’ai peur, j’ai mal…
On me fait une échographie… Ça bourdonne dans ma tête, j’entends ce qu’on me dit mais je ne le comprends pas.
“Le placenta s’est décollé, nous allons vous admettre pour vous garder en observation… ”
Je passe dans une chambre. Le papa est assis sur une chaise. Il s’endort. Moi je suis tétanisée, que se passe-t-il ? Que va-t-il advenir de notre bébé ?
À 11h45 je commence à avoir très mal au ventre… J’appelle l’infirmière.
” Je suis désolée madame, vous êtes entrain de faire une fausse couche… Je suis navrée, il va falloir pousser…”
Il est midi… Je demande à rester seule avec mon tout tout petit…Je hurle, je pleure, je meurs un petit peu à cet instant…Je demande pardon, pardon de ne pas avoir su faire en sorte de le garder au chaud dans mon ventre. Je demande pardon de m’etre rendu compte trop tard de sa présence et d’avoir continuer à prendre cette saleté de médoc! Il est tout petit, je le trouve tellement beau. Je suis dévastée, je n’avais jamais connu un tel chagrin, un tel déchirement…Les infirmières finissent par revenir, elle veulent l’emmener. Mais où ?!
” Où allez vous l’emmener ?!” “Nous avons un crématorium…”
Je supplie qu’on me le laisse. Je vrille. On me donne un sédatif. Je dors.
Le soir venu, je suis apte à rentrer chez moi. Je devrais revenir dans un mois pour un contrôle.
Le papa courageux me quittera deux semaines plus tard car ” je ne veux pas subir ton chagrin, je ne saurais pas le gérer”.
Je perds pieds, perds l’appétit, le sommeil… Je ne vais plus travailler.
Je fais une dépression.
Il me faut 3 mois de thérapie, pour sortir de cette torpeur.
Au bout de ces 3 mois je tente de retourner travailler. Ça me fera du bien. Et c’est là, ce jour là, qu’un collègue vint me trouver, il me dit qu’il est heureux de me revoir, que j’avais manqué.
Ce collègue c’est l’homme qui m’a sauvé la vie. Ou plutôt celui qui m’a redonné goût à celle-ci.
Nous sommes devenus les parents d’une petite fille il y a maintenant 9 mois.
Je n’oublie pas mon bébé ange.
La douleur est moins vive.
J’expliquerai à ma fille un jour…
Il faut croire en la vie, car même si parfois elle semble nous vouloir du mal, la beauté est souvent cachée dans l’obscurité. Il faut se relever et essayer d’avancer… Se battre.
À toutes les mam’anges… Courage et amour
MAMAS RESCUE
Marine. L – Mamange